Un repas bengali (inside : comprendre la cuisine bengali)

Avant de te parler de patrimoine, de temples recouverts de plaques de terre cuite, de la campagne du Bengale occidental et des rues toujours aussi animées de Calcutta (et du torse musculeux et moite d’un beau joueur de cricket…), voici la première approche qu’il faut avoir du Bengale occidentale : la cuisine bengali.

En Inde même, elle jouit d’une réputation unique, celle d’être l’une des cuisines les moins épicées et les plus variées du pays, avec une finesse et une variété étonnantes. J’avais pour ma part déjà eu l’occasion d’y goûter, l’avais trouvé très bonne mais n’en avais pas vraiment distingué les grandes lignes si ce n’est l’omniprésence de la graine de moutarde, du poisson et du sucre. J’ai donc cette fois-ci un peu plus exploré le sujet, rien que pour toi…

Et tout d’abord, cinq éléments principaux : sucre de canne, graine de moutarde, riz, noix de coco et produits de… rivière. Car si tu crois que les gigantesques crevettes (chingri) et les poissons (ilshi / hilsa, bekhti et autres rui…) viennent de la mer, tout comme moi tu te trompes. Toute la cuisine bengali est fondée sur un delta qui enserre et infiltre la région, mêlant les eaux du Gange, du Brahmapoutre, de la Padma et de tous leurs affluents : autant de cours d’eau, autant de mets qui arrivent directement sur les étals, le long des routes, dans les villages et les villes, et dans les assiettes. Et qui dit eau, dit rizières : beaucoup moins de pain que dans les cuisines du centre et de l’ouest de l’Inde donc*, mais du riz basmati ou du gobindabhog (riz au grain tout petit).

Et comme je suis d’humeur joueuse, je te livre le déroulement d’un repas bengali (comme dans toute la cuisine indienne, et dans toute gastronomie d’ailleurs !, l’ordre et la succession des plats a une importance en terme de saveurs, et on ne les mélange pas entre eux…) :

– typique du sud et de l’est de l’Inde, une feuille de bananier sert d’assiette (extrêmement pratique, il suffit de la replier et hop, à la poubelle où elle sera dégustée par les chiens, rats et vaches de passage) ;

le riz constitue la basse continue de ton repas, tu en reprends une cuillère à chaque plat, ce qui t’aidera à former des boulettes avec des doigts et hop ! dans la bouche (il faut d’ailleurs que je t’explique comment faire…  On va t’adorer dans ton restaurant indien habituel…) ;

un premier plat amer pour se mettre en bouche : nous avons jeté notre dévolu sur le traditionnel shukto, un plat à la sauce très légère à base de légumes (ce que tu as sous la main), de melon amer (bitter gourd) et de feuilles de margose (neem) ou de gourde serpent (patol ; voir ICI pour les différentes courges). L’amertume du plat est tempérée par l’ajout de lait, parfois de lait de coco, à la cuisson et relevé de gingembre et de pâte de graines de pavot. L’ensemble est étonnamment doux, rafraîchissant et léger ;

– un second plat à base de légumes, qui était pour nous un mochar ghonto : des fleurs de banane mélangée à des pommes de terre, présentée sous forme de purée rendue onctueuse par le lait de coco. Délicieux !

Restaurant bengali feuilles Restaurant bengali shukto Restaurant bengali fleurs de banane

La feuille, le shukto et le mochar ghonto.

– des plats à base de poissons et de crevettes cuits à la vapeur dans des feuilles de bananier ou en sauce, dont une gigantesque crevette dans une sauce épicée à base d’une pâte faite d’oignons, ail, cardamome, clou de girofle et lait de coco, on sent alors très nettement que la cuisine bengali se rapproche de la cuisine thaïlandaise, de l’autre côté de la Baie du Bengale. Le bhekti paturi était tout simplement divin, petite portion d’un poisson blanc recouvert d’une pâte de graines de moutarde et de curcuma, cuit à la vapeur dans une feuille de bananier : un must… Et pour finir, le ilish barishali, une tranche d’un poisson moins fort que le bekhti mais plus sec dans une sauce blanche à base de pâte de noix de coco et d’huile de moutarde ;

– pour finir, car plus fort en goût et plus épicé, un plat de viande : nous avons choisi un mutton dakbangla avec sa sauce crémeuse à base d’oignons, relevée d’ail, gingembre, tamarin et cannelle, le tout rendu crémeux par l’huile de moutarde. On y ajoute des morceaux de chèvre (ici, on mange du goat mutton en réalité) et des oeufs durs entiers et frits ! C’est onctueux et fort en goût, idéal pour clore un repas bengali où les saveurs croissent progressivement en intensité ;

– pour accompagner, du riz servi blanc et parfois des luchi, pains gonflés et frits à base de farine (non complète, sinon ce sont des puri) et recouverts d’un peu de ghee (beurre clarifié) ; c’est vaporeux, gras, délicieux donc…

Restaurant bengali crevette Restaurant bengali bekhti Restaurant bengali hilsa

restaurant bengali mouton et oeuf Restaurant bengali luchis

– tu peux accompagner l’ensemble d’un chutney khejur-amsatto (à base de noix de cajou et de mangue séchée) et arroser le tout d’un étonnant aampora sharbat (sorbet/sherbet, prononcé en bengali) : un onctueux jus de mangues vertes cuites, adoucies d’une bonne louchée de jus de sucre de canne, d’une pincée de sel et de jus de citron. Sirupeux, délicieux et étonnamment rafraîchissant ;

Restaurant bengali chutney Restaurant bengali boisson mangue

Une apparence étrange, mais tellement bon !

– pour finir… la crème de la crème de la cuisine bengali, les mithai !!! Mais attention : pas ceux à base de lait condensé que l’on trouve dans le reste de l’Inde et qui servent également d’offrandes dans les temples, mais à base de chhanna, une sorte de fromage très frais, cuit ensuite dans le sucre et le beurre. Ils viennent clore le repas, tiennent lieu de goûter et d’offrandes également. Mieux vaut les acheter dans les pâtisseries, plus spécialisées en cette matière que les restaurants. En voici quelques spécimens : pas de sandesh ou de rasgulla (les deux plus célèbres) parce que je ne les aime pas ; pour choisir parmi les dizaines de mithai différents, je conseillerais ceux auxquels sont adjoints des fruits secs, parce que l’on peut être un peu sevrés par le sucre et la texture pâteuse. Le pista paan reste mon préféré, je l’avoue, relevé de pâte de pétales de rose et de clou de girofle.

Mithai bengali

Au milieu, le traditionnel « laddoo ». En bas à droite, le « pista paan », à côté un très bon

« mithai » fourré de fruits secs et au-dessus un feuilleté rempli de fruits secs aussi ; à côté,

l’un recouvert de feuille d’argent, deux « mithai » typiquement bengali à base de « chhanna ».

Tu l’as bien compris : nous nous sommes régalés… La cuisine bengali, ce sont des ingrédients simples, beaucoup de poisson, finement relevés de cette omniprésente graine de moutarde adoucie de lait de coco. Excellente, complètement différente des gastronomies plus faciles d’accès en Inde et à l’étranger que sont les cuisines mughlai, punjabi, cachemiri et tamoule. Ne t’inquiète pas, je vais t’expliquer très prochainement les différences…

Si tu veux manger bengali, trois suggestions : soit tu essaies de cuisiner toi-même (il y a d’excellents blogs gastronomiques pour ce faire : ICI, ICI et une liste ICI), soit tu trouves un ami bengali qui se fera un plaisir et une joie de t’inviter chez lui (les Bengalis ont la réputation non usurpée d’adorer manger et partager leur amour de la nourriture !), soit tu trouves un restaurant près de chez toi. Je n’en ai jamais essayé en France, il y a quelques adresses (Village du Bengale à Asnières-sur-Seine ? La Nuit bengali à Bagnolet ? Si tu les connais ou les essaies, donne-m’en des nouvelles !).


* La même différence qu’entre Chine du Nord/du blé et Chine du Sud/du riz.


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20 commentaires

    • à Madame Kévin : oups, pardon ! Je t'en garde au chaud pour les jours non-détox alors. Même, vue la composition, pour les jours ultra-tox...

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  1. le banana leaf! le banana leaf! mais ta feuille, elle est découpée en forme d'assiette? quel raffinement!
    (BL : j'en ai encore le feu au gosier)

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    • @ Miss 400 : ça rappelle des choses, hein ? Hihihihi ! Oui, feuille découpée en rond, que crois-tu, nous étions dans une cantine de luxe !

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    • @ M1 : je suis plus viande, donc le Zaffran (Zafflan, c'est avec l'accent !) me plaît aussi beaucoup. Mais là, j'ai découvert du poisson vraiment trop bon !

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    • @ Electroménagère : à une ou deux calories près... En réalité, je trouve la cuisine bengalie beaucoup moins grasse que la plupart des autres cuisines indiennes.

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  2. Super intéressante, cette entrée!
    Vraiment bien détaillée et écrite de façon simple, mais complète.
    On se sent presque à côté de toi, à déguster ces mets étranges mais qui semblent succulents!
    🙂

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  3. Bonjour, cet article est vraiment intéressant. Bengali conserve toujours ses recettes anciennes. Et la plupart des gens de demandes, comment fait-on pour manger tout cela? Aujourd'hui, les préparations sont faites par une simple recette facile à faires, et c'est tout.

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