Inde : Chronique d’un voyage ordinaire (1/2)

Ahhhh, voyager en Inde… Si tu n’as pas expérimenté au moins une fois le train suivi du rickshaw, de la guesthouse ou du petit hôtel, des guides et gardiens insupportables, de la disparition complète et absolue de l’anglais, des improbables lieux magnifiques et de l’impossibilité de faire lire une carte à qui que ce soit, de l’incontournable chai, des vendeurs de pacotilles et des militaires en permission, tu n’auras pas vraiment vu l’Inde.

Baroda Vendeur

Ce week-end dans le Gujarat a été exemplaire en la matière, quoique ce soit concentré en deux jours ce qui arrive d’habitude en quatre ou cinq jours. Et c’est pas comme si nous étions novices… Chronique donc d’un voyage presque ordinaire en Inde.

Un quai de gare bondé… A bord du train qui démarre et cahote, deux d’entre nous vont fumer leur cigarette sur la plateforme toujours ouverte aux vents, donnant sur les voies et les gens accroupis. C’est interdit. Un employé passe, voit l’aubaine et tente d’extorquer une amende de Rs 200. OK, pas de souci, amène-nous le papier et on te paiera : on n’a jamais revu l’employé… Nuit de train : pas dormi, quoique peu d’arrêts et des couchettes relativement confortables. Excitation du départ, pluie qui tambourine, ronflements.

Arrivée aux aurores à Baroda, petite ville d’affaires, dont le paysage est celui de toutes les villes indiennes : un fatras épouvantable de boue, de constructions non finies, de maisons anciennes où s’enchevêtrent enseignes et fils électriques. Sarajevo en 1997 ? Un amoncellement sans âme et sans plan qui, pourtant, et comme presque toujours en Inde, cache des bijoux. Seul café à l’occidentale fermé, le Café Madras, un dabba local, nous accueille dans une myriade de mouches et nous nourrit de dosas aux pommes de terre et oignons accompagné du masala chai.

Le week-end a effectivement commencé.

Hôtel très bien, pas cher, très propre. Il faut, comme toujours, s’inscrire mais là, pas avant 9h car la photocopieuse n’est reliée à l’électricité qu’à ce moment-là. Plus d’une demi-heure pour photocopier nos papiers d’identité, remplir les registre et les formulaires de la moitié d’entre nous ; l’autre moitié attendra le soir, car nous commençons à grogner devant la lenteur. La bureaucratie indienne n’est pas un mythe.

Dans l’intervalle, le taxi à la journée est arrivé. Garé dans la plus grande mare de la rue, nous attendons sur le trottoir inexistant : le chauffeur n’a pas les clefs. Il les a laissées dans la voiture. Il s’échine sur la porte, tape la carrosserie comme on le fait d’une télé qui grésille. Un collègue arrive avec le double… qui n’en est pas un. Tac et moi repartons à la gare chercher un nouveau taxi : négociations, et ce faisant, la sangle de mon sac se déchire, usée par les nombreuses vadrouilles, le poids combiné des bouteilles d’eau, guides, appareil photo, lingettes et produits divers et variés nécessaires (anti-moustique, crème solaire et serviette à s’éponger la figure…). C’est au moment où nous trouvons une solution qu’un autre collègue finit par apporter le bon double.

Pluie diluvienne par intermittence, nids de poule devenus des mares, vaches et bouses innombrables. Une heure passée à rien ou plutôt si : à attendre. Normal. On part enfin.

Route sympathique, en bon état pour l’Inde, ponctuée de vaches, de buffles, de bidonvilles et de chèvres. Campagne verte et grasse, du maïs : la mousson est souvent excédentaire au Gujarat, et ça se voit.

Champaner Jami Masjid

Champaner : attente, grognements et colère pour obtenir le billet au tarif des résidents indiens. Un employé tourne le dos quand on lui parle, surtout quand on est une femme, colère redoublée. On laisse tomber. Quelques enfants nous abreuvent des deux phrases en anglais qu’ils connaissent. Village typique en plein milieu du site, avec animaux, boue et enfants de rigueur. Des fils électriques défigurent les portes de l’ancienne ville et des vestiges servent de matériau de construction. Heureusement que ce site est classé au Patrimoine mondial…

Sublimes mosquées, oubliées de tous, ayant survécu au temps et à la présence humaine, à la « modernisation » et aux rénovations à la truelle. Paisible, une grande finesse artistique. Peu connaissent, peu savent où cela se trouve. Comme très souvent en Inde si ce n’est pas près du Taj Mahal.

Averses. Les mares deviennent des lacs.

Mauvaise volonté du chauffeur, qui ne cherche pas, ne demande pas la direction, ne s’intéresse pas à nos indications (et pourtant, trois d’entre nous parlent hindi… mais on est en zone gujaratiphone, on ne peut pas lui en vouloir, le hindi est juste l’une des deux langues nationales de l’Inde…). Le chauffeur ne connaît pas la ville, moins que nous qui avons un plan sous les yeux et le sens de l’orientation. Normal. Une colline sacrée dont l’atmosphère n’a rien du sacré attendu, calme ou recueillement. Le pèlerinage indien n’est pas le pèlerinage occidental.

Palais sublimement sis au milieu d’un terrain de golf, une construction des plus folles. Calme inattendu, parfois rompu par les glapissement de gardiens zélés et stressés : on ne va pas par là (c’est marqué, d’ailleurs, mais peut-être ne sais-tu pas lire), on ne touche pas, on n’envisage pas de faire un pas tout seul, on a nécessairement besoin des explications insipides, idiotes et souvent incorrectes des gardiens. Difficulté à expliquer que nous ne sommes pas des touristes indiens, que l’on n’a besoin de personne et que nous connaissons la significations des barrières et panneaux. Colère. Fatigue.

Passage chez « Baroda Prints », des cotons imprimés traditionnels. Lieu vieillot, il faut fouiller pour trouver de belles choses, à prix plancher, mais bien souvent tâchées. Ou pas en stock. Normal aussi.

Repas : un thali gujarati. S’adapter : manger avec les doigts, soutenir le regard de l’armada de serveurs ébahis par cinq Occidentales, seules, le soir, mangeant comme de vraies Indiennes. Aucun choix, on mange les plats imposés et servis à volonté dans les petites écuelles. Sucré-salé, du pain sous toutes ses formes, et ce que l’on laisse de côté à contre-coeur : crudités, laitages non pasteurisés… Epargnons nos intestins.

[La suite du voyage est ICI…]

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17 commentaires

    • @ Angélita : non, je comprends tout à fait ! Et au moins, tu sais à quoi t'attendre au cas où un jour l'envie te prenne (après l'Australie, bien sûr 😉 !) !

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    • @ Pivoine : je vois que toi, au moins, tu sais aller à l'essentiel ! Franchement, normalement, ils devaient être très bons (la plupart du temps, c'est frais, je crois que c'est juste re-frit avant que les trains n'arrivent) !

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  1. Ce récit me rappelle tellement de choses vécues!!!C'est vrai que l'Inde ça dépote ,on en ch...vraiment, mais en meme temps on adore ça!C'est un équilibre entre attraction et répulsion.Je me souviens avoir détesté ce pays pendant toute une journée et m'y sentir vraiment bien le jour d'après.c'est une sorte d'état que je ne ressens que là bas,étrange...
    Le coup du chauffeur et de la clef est tout de meme terrible!
    En Inde je ne voyage qu'en bus ou en train ,j'ai pris une fois un chauffeur ,et j'ai vaiment eu peur qu'on se ramasse un enfant,en plus j'étais enceinte ,alors je me suis juré de ne jamais reprendre de chauffeur.

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    • @ Zaneema : tu as tout à fait raison, on est en permanence entre attraction et répulsion. En y vivant, l'alternance se fait parfois dans la même journée, voire dans la même heure !
      Le taxi ou le chauffeur, c'est toujours un risque ; mais c'est vrai que dans certaines régions et selon le temps dont on dispose, c'est très pratique. Parfois les chauffeurs de bus sont aussi dangereux, voire plus, et là impossible de leur dire de ralentir ou de faire attention.

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  2. Chouyo, sans déconner il faut que tu nous signes une séries de documentaires sur l'Inde, façon "un train pas comme les autres" tes récits sont uniques, tu es drôle et cultivée, tu as le sens de la "mise en scène" dans tes posts, et ton blog est une sérieuse carte de visite si tu vas voir les chaines tv !! T'y vas au culot !!

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  3. Faire une pause forcée de lecture de blogs, et revenir chez toi pour repartir loin comme ça, c'est fabuleux (et je confirme pour Sarajevo : j'y suis passée cette année là).
    Je cours lire la suite

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    • @ Nekkonezumi : Sarajevo ressemblait à ça alors ? Cela ne m'étonne pas... Tu es reviendue, youpiiiiiiiiiiiiiiiii !!!

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