Autocensure et perfectionnisme : crise de blog

J’ai une centaine de billets qui attendent d’être publiés.

Pas juste quelques mots rapidement jetés sur le clavier ou des notes éparses. Non. Des billets écrits d’un bout à l’autre, publiables dans la minute. Et que je ne publie pas.

J‘ai des milliers de photos et de vidéos que je voudrais te montrer.

Et je n’arrive pas à choisir celles qu’il faudrait publier, à trouver le bon moment pour le faire.

T-shirt Bombay 2

Tu as du le sentir depuis des mois, quelque chose coince. Un certain perfectionnisme, avant de publier un billet être certaine de ce que je raconte, de ce que j’avance, l’enrichir de lectures et d’expériences, l’illustrer de la photo adéquate car je sais qu’il y en a une, parfaite, dans mes dossiers mais où… L’envie de créer plusieurs choses autour de Bombay, de l’Inde, de l’Asie, mais une redite par rapport à ce blog et à mon site ? ou bien cela privera-t-il ce blog de matière ? et puis j’ai autant de passions qui sont autres, ailleurs, comment les intégrer ? Interrogations sans fin et ce perfectionnisme mal placé qui empêchent d’avancer. Velléités qui rongent.

Et il y a eu l’autocensure. Elle est apparue subrepticement et a fini par m’empêcher de publier régulièrement, presque totalement, tant j’avais parfois le sentiment que ce blog ne m’appartenait plus. C’est la conséquence de ne plus être anonyme… connaître au-delà de l’écran certains de mes lecteurs, en être extrêmement proche parfois, conduit à moduler ses propos et les thèmes que l’on aborde. Non pas que j’écris selon eux et leurs avis, mais on fait toujours plus attention, ne pas froisser… et surtout ne pas lasser.

Parce que parler de l’ailleurs, des tropiques, des voyages et de la « belle vie » d’expat’ peut ennuyer rapidement, j’en ai eu peur. De belles photos, des expériences étonnantes, et puis et puis… rappeler que la vie n’est pas facile en Inde, qu’il s’agisse des conditions de vie, de la manière dont les entreprises françaises expatriantes traitent leurs employés ou encore de se retrouver « femme d’expat' » sans en avoir la vocation. Mais difficile de se plaindre quand il fait 30° toute l’année à ceux qui métro-boulot-dodo dans le froid et la Sarkozie alors que l’on est à l’autre bout du monde, que l’on voyage… même si c’est pour chercher du travail et fuir avant de s’écrouler moralement. Alors on censure, on tait, on évite de publier. Et on déteste cette autocensure dans un espace de liberté personnel.

Parce que parler de l’Inde, de Bombay, je me suis dit que cela pouvait lasser. Après trois ans où j’ai raconté en détails mon quotidien, j’ai fini par me demander si cela avait encore un intérêt. Surtout que parler de l’Inde, c’est parler de soi. De ses réactions, de ses ressentiments, de ses convictions, de ses échecs et de ses joies. D’un pays-oxymore qui exalte et ronge à la fois. Il arrive plus d’une fois dans une journée de passer de l’euphorie à la détresse la plus profonde en quelques minutes. Je te laisse imaginer les montagnes russes de l’émotion, rendues encore plus vertigineuse par des projets bricolés, sans lendemain, sans reconnaissance. Cela use. Cela m’use. Et j’ai pensé à mes lecteurs… je me suis dit que l’exaltation étonnée d’un début d’expatriation remplacée par un regard sans concessions, et malheureusement, sans plus aucun espoir pour ce pays, doit peser. Encore plus sur un blog qui avait fait du choix de la couleur du vernis à ongles son crédo…

Parce que je vis aussi entourée de ceux dont je parle, dont je voudrais parler, et qui me lisent parfois. Toi qui me lis depuis bien plus longtemps que mon expatriation, je voudrais te détailler ce monde, ce petit monde, les bassesses et les grandes histoires, les scandales et les éclats de rire. Mais Bombay est minuscule, dans ses coups bas comme dans ses réseaux, et la perte de l’anonymat signifie une perte totale de liberté d’écriture. J’ai continué d’écrire ce Bombay qui a beaucoup d’apprêts et peu d’états d’âme, beaucoup de prétentions et peu de scrupules. Sans publier.

Ces derniers mois, j’ai donc mesuré mes mots, retenu mes billets, j’ai passé sous silence certaines expériences et certains voyages, j’ai gardé par devers moi avis et colères. Pour ne pas risquer le jugement à l’emporte-pièce sur des choses que je ressens, pour ne pas trop faire envie ou pour ne pas donner l’impression de me plaindre à mauvais escient, pour ne pas déprimer ceux qui me lisent avant d’avoir trouvé mon équilibre dans ce dé/goût de l’Inde.

Mais l’autocensure est mortifère : plus on évite de dire, plus on regrette de ne pas dire, plus on se déçoit de ne pas avoir dit et plus on en veut aux autres de ne pas savoir.

Alors je vais retrouver ma plume, retrouver le chemin de vos blogs, et advienne que pourra…


HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)

20 commentaires

  1. mais enfin Chouyo! c'est normal une crise de "mutation"! moi qui te connais et te lis depuis si longtemps, please continue. tu vas trouver autre chose. et même si ton regard et ta plume acides dissolvent le vernis à ongles et les paillettes, pour moi, c'est tjs un bonheur de te lire, même au milieu de la routine que tu as connue... courage!

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  2. Je te dirais bien que tu as un beau t-shirt et que tu pourrais virer blog mode mais bon... 😉
    Je comprends bien le fait de se retenir un peu par rapport aux gens qui ne nous sont plus si anonymes.
    Je les aime tes colères, tes photos, tes ailleurs;
    (et tes vernis aussi)

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  3. <3
    (Je crois que tu sais ce que je pense sans que j'ai besoin de l'écrire)
    (Mais si tu as besoin que je l'écrive ici ou ailleurs, tu le dis, je le fais dans la seconde)

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  4. Comme je te comprends...
    Même cheminement de mon côté, mêmes sentiments, même raisonnement, même probable tournage en rond. Sauf que je bloque carrément l'écriture pour ne pas hurler ma rage au quotidien, à en devenir mutique du blog...

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  5. J'ai eu très peur... et poussé un gros ouf de soulagement en lisant ta dernière phrase.
    Je crois comprendre tout ce que tu veux dire, mais je suis contente que tu choisisses de continuer 🙂

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  6. FREE CHOUYO !! : )
    LIBEREZ CHOUYO !! : )
    Joli t-shirt ^^ moi je suis comme toi, je me suis mis à m'auto-censurer, je ne fais aucun commentaire désobligeant sur Sarko par exemple : )
    Bonne continuation, pour notre plus grand plaisir ; )

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  7. Ma belle Chouyo,
    En lisant ce post, je réalise que je n'ai jamais pris le temps de te remercier pour tout les autres que j'ai lu. Tes voyages, tes photos, tes mots et impressions, ton humour, ton cynisme... Tout cela te définit, tout cela fait que suis une de tes fidèles lectrices. J'attends tes post avec impatience et à l'heure où tout change (trop) vite, je suis heureuse de pouvoir parcourir tes pensées.

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  8. On en avait déjà parlé, mais dsi tu vis mal l'auto censure et le regard de tes proches, ouvre un autre blog pour publier tes écrits enfouis si tu en as le besoin et l'envie.
    Une nouvelle identité 2.0 n'est pas très compliquée à faire.
    Après, peut-être que d'un point de vue narcissique, ça t'ennuierait de tout recommencer à zero, de jeter des écrits comme des bouteilles à la mer et de ne pas avoir de reconnaissance, de ne pas ou peu être lue parce que tu as mis du temps à te construire un réseau... Problème du bloggeur et de son égo finalement, on y revient toujours...

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  9. Te suivant depuis peu de temps, je serais heureux de lire tes nombreux autres billets ! et sur toute autre chose, sans avoir ton expérience de L'inde (uniquement 6 mois), je comprend ce sentiment d'amour/haine, de dé/gout pour l'Inde. Mais comment ne pas aimer un endroit ou l'on se sent vivant, ou les sentiments nous rappellent ce que nous sommes, des Hommes, je crois que c'est une chance.

    Au plaisir de continuer à te lire
    Bises

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  10. Depuis que je viens ici, te lire est ma gourmandise, et pas seulement pour l'exotisme. Je pense donc que tes mots, moins "calibrés", plus libérés ou non, auront pour moi toujours la même valeur, ils seront toujours... ben toi, tout simplement.
    (Et rien d'autre que toiiiiii, et rien d'autre que toi, que toiiiii... oh pardon)
    Ton choix sera le mien (et moi personnellement, ça ne me dérange pas que tu rajoutes un peu de poivre dans ton grain de sel ;-))

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  11. Dans la vie, il y a 2 tragédies . L ' une est de ne pas réaliser ses désirs . L ' autre est de les réaliser .
    George Bernard Shaw

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
    • C est idiot, l' absence de désir , c' est la dépression . Qu' importe la destination, pourvu que le voyage soit long...

      HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  12. Je comprends tes hésitations par rapport à ceux qui te sont proches: n'ayant pas créé mon blog je fais toujours très attention à ne pas froisser ou plus exactement peiner, même involontairement ceux qui me sont proches...Par contre pour mes idées tant pis: il faut qu'on m'aime comme je suis.
    Et le nombre de commentaires amicaux que tu as régulièrement devrait te rassurer.
    Découvrir un pays par un regard peu à peu devenu intérieur est passionnant pour nous.
    Maintenant il est évident que par rapport à Tac tu ne peux pas écrire n'importe quoi: mais je sais, sans te connaitre "dans la vie" que tu as uns grande finesse d'esprit et que tu sauras, que tu sais, jusqu'où aller.
    Ton blog est certainement un des plus intéressant et un des plus vivant de ce qu'on nomme "la blogosphère"

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  13. Ben ma pichtrougnette,que t'arrives t'il?!!non,en fait j'imagine très bien ce qui te passe par la tete,enfin je crois!
    Mais sais-tu que je guette chaque jour le nouveau billet de Chouyo?J'aime te retrouver quotidiennement,tu es ma passerelle ,la petite lorgnette qui me permet d'avoir ne serait- ce que quelques minutes l'esprit ailleurs ,dans un pays que j'aime malgré tout ,ma petite bulle d'oxygène qui me fais oublier les moments difficiles d'un quotidien régeanté par les soins,les traitements a heure fixe et les visites hebdomadaires a l'hopital pour mon petitou.Tu me fais patienter ,en attendant de pouvoir reposer mes jolis pieds(a un seul ongle verni de bleu,oui,moi je fais comme ça)dans la poussière,dans les miasmes et les détritus indiens.En toi je me reconnais,parce que meme si l'on ne s'est pas rencontrées,nous partageons beaucoup de choses en commun .C'est comme si une autre partie de moi était encore là-bas (schizophrénia?).
    Que puis-je dire encore?Ah si,continue!Ne ferme pas cette fenetre!Ou ouvres en encore une autre!hihiihii

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  14. On ne se connaît pas, et je commente ici depuis seulement depuis peu... mais j'adore vraiment ce que tu écris, justement parce que ce n'est pas qu'un blog de voyage, et que tu arrives à mettre les mots exacts sur ce qu'on ressent en tant qu'expat, et pas seulement "c'est trop cool un plat de crevettes au resto ne coûte ici qu'un euro". J'ai vécu, et je vis encore, à l'étranger, et ça me fait vraiment du bien de retrouver sur ton blog des choses que j'ai vécues sans être jamais arrivée à les formuler aussi clairement.
    J'ai hâte de lire tes prochains posts !

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  15. Bonjour Chouyo,

    Tout comme Anmryn ci-dessus, j'adore ce que tu écris et je serais vraiment désolée que tu t'arrêtes de publier ... Tu as un réel don pour décrire avec originalité tout le panel d'émotions : révoltes, dégoûts, horreur, déceptions, épuisement physique ou moral mais aussi enthousiasme par lequel on passe tout au long de son séjour en Inde ... L'Inde est une autre planète sur laquelle survivre se paie au prix fort ... On y attrape le " virus de l'Inde " pour lequel n'existe aucun traitement ni de prévention, ni de guérison ! Toute personne qui s'aventure là-bas sera contaminée à vie ... Il n'y a aucune prophylaxie ni vaccin existant à l'heure actuelle ... Il n'y en aura d'ailleurs jamais ... Le seul traitement efficace en cas de poussées de fièvre qui l'accompagne régulièrement, c'est l'écriture ... sauvage, féroce, débridée, vive, enfiévrée pour libérer toutes ses humeurs ... Alors, chère Chouyo, ne t'arrête surtout pas ! Et sache que même éloignée de l'Inde, il n'y a pas de guérison possible ...
    Quelque chose, toujours et irrémédiablement, te poussera à retourner te plonger dans ce monde fantasmagorique et enchanté !

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)

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