Staline, son musée, la Géorgie et moi…

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Franchement, je n’ai pas résisté : ça s’immortalise, ça…

Gori est loin d’être une ville incontournable quand on visite la Géorgie.

Petite cité industrielle sans grand charme traversée par une grande rue cérémonieuse et vide, entourée de quartiers de maisons ouvrières de briques rouges. Seules les pampres de vigne et la forteresse du VIIè siècle apportent un peu de douceur, immédiatement contrebalancée par les monuments aux morts rappelant les bombardements russes de la guerre de 2008. Gori pourrait être évitée dans une vadrouille en Géorgie sans grand dommage…

… si ce n’est que Iossif Djougachvili est né ici.

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Staline donc.

Et ça, ça change tout. Surtout pour Staline d’ailleurs. Celui-ci, la Géorgie chevillée au corps, avait décidé d’y faire construire un musée grandiloquent avec force fenêtres gothiques et portiques gréco-italiens, musée qui devint à sa mort son musée-mémorial. Alors, comme la route entre Kutaisi et Tbilissi est longue, comme surtout il m’est impossible de résister à un musée de dictateur, il fallait aller à Gori. Je ne suis pas une stakhanoviste des musées, j’ai même plutôt tendance à être parcimonieuse en la matière (la culture cultivée a ses limites) et à y aller au moins pour moitié pour observer la manière dont un pays muséifie et met en scène son passé pour ses citoyens et les touristes. Et je t’assure que face au parcours Kubitschek de Brasilia et à son tombeau de pierre noir estampillé « O Fundador », devant le bureau de Tchang Kai-shek à Nankin, ou devant les reliques de Gandhi à Bombay (oui, oui, je l’inclus dans cette liste), tu comprends mieux comment toute une historiographie se joue-là, celle des grands hommes et des mégalomanes, et celle d’un pays qui doit gérer un héritage parfois très ambivalent…

Car comment la Géorgie, russe jusqu’en 1918, soviétique à partir de 1921, et  indépendante depuis 1991, s’est-elle réappropriée cette grand-messe du stalinisme ? Comment gérer son rapport muséographique avec le seul enfant du pays célèbre à ce point ? Comment ne pas céder aux sirènes du sensationnalisme, à celles de l’hommage aveugle, à celles de l’angélisme et… à celle du stalinisme ? Et bien les sirènes ont chanté si fort et si longtemps qu’il n’a pas été possible d’y échapper.

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Iossif, tu es là ?

Le parcours est celui, attendu et convenu, des souvenirs. Vestiges d’une vie bien sûr, celle austère et studieuse du jeune Iossif, d’extraction très modeste, ce sur quoi il veut évidemment insister en faisant raser le quartier des maisons ouvrières mais en conservant celle de ses parents, minuscule, fragile, un cube de briques rouges partagé avec un locataire. Iossif vient du peuple…

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Sont exposés ensuite ses poèmes autographes, rédigés quand le poil ne poussait guère encore au menton déjà volontaire, et les photographies de famille (maman Staline n’a pas l’air commode), ses amis, ses pairs, le jeune homme reconnu et honoré, amical et entouré. Et Djougachvili devint Staline

Le musée se transforme alors en une longue litanie obligée, celle des bustes et des tapisseries, des memorabialiae fameux et des bricoles personnelles. Cela va du fameux wagon qui l’emmena sillonner l’URSS notamment jusqu’à Yalta aux bottes qu’il portait, des cadeaux reçus des pays alliés aux tributs des peuples soumis-de-leur-plein-gré. Comme dans tous les musées à la gloire d’un homme, on retrouve les drapeaux dédicacés et les boîtes de cigares, les vases de circonstance et les éventails anciens, les tapis et les lampes ouvragées. L’ensemble étant d’un goût souvent… représentatif de l’époque. On va dire ça.

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Très rapidement (et notamment après avoir payé le billet d’entrée, exorbitant pour la Géorgie), tu comprends que la prétendue déstalinisation du musée n’a pas eu lieu. Et ce panneau qui décrierait la propagande stalinienne à l’oeuvre dans le musée n’est plus visible (et pourtant l’article de juin 2012). Staline est partout, photos souriantes et bustes virils, ouvrages traduits dans toutes les langues et figurine du Petit Père des Peuples. Jusque dans la boutique de souvenirs. Jusque sur les T-shirts. Jusque sur les mugs et les thermos… Malaise. Très léger malaise.

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Arriver avec ça en cours… mouahahahahahah !!!

Je ricane alors. Et je parcours bien vite les salles, à la cherche de celle censée évoquer la période des Purges et de la répression. One of the Dark Sides of the Tovaritch. Et je dois dire que ton mauvais esprit et le mien sont bien le résultat d’une propagande éhontée et vicieuse : je l’ai trouvée cette salle,ELLE EXISTE !!!

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Ah. En travaux. Nan… sérieusement ???

Au temps pour moi.

Alors de conclure : to infinity and beyond…

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4 commentaires

    • @ Nekkonezumi : je l'ai cherché partout !!! 😉 Oui, surtout dans la pièce où se trouve la copie du masque mortuaire, il y a vraiment un esprit de recueillement à cet endroit sans que pour autant les gens s'y recueillent vraiment. Quant à la boutique, je crois qu'on atteint au sublime : du cirque et du pathétique à la fois ?

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  1. C'st dur d'en vouloir à quelqu'un qui a réussi à être célèbre (et par là peut faire rentrer des sous dans la caisse)! La fascination/répulsion ressemble de trop près à la fascination/attirance...
    J'ai cliqué sur l'article de l'Independant. Je me demande ce que ça va m'infliger comme pubs dans Google ou FB?

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    • @ Br'1 : aucune idée pour les pubs ! En tout cas, on sent dans ce musée, en plus de la fascination peu claire que tu évoques, également un "passage obligé" : c'est la Géorgie, la ville de naissance de Staline, il "faut" conserver ce musée. Je ne sais pas au final qui le visite le plus, des Géorgiens ou des touristes.

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