La Face cachée de la Lune

« And everything under the sun is in tune… »

Samedi soir j’ai assisté à ça.

darksidecover

Un article lu à la volée, une référence essentielle, et l’inspiration soudaine : voici les trois ingrédients qui ont concouru à ce que je me retrouve avec deux billets pour « La Face cachée de la Lune » à la Maison de la Musique de Nanterre. Pas The Dark Side of the Moon hein, mais The Dark Side of the Moon. Pas Pink Floyd évidemment, mais Pink Floyd quand même. Oui, je sais, c’est confus.

D’ailleurs, ça l’est tellement que je ne saurais te dire si nous avons assisté à un concert, à une mise en scène théâtrale ou à une expérience artistique… ou un peu des trois à la fois. La compagnie Inouïe et Thierry Balasse, musicien électroacoustique, ont fait le pari un jour (il y a deux ans, dans ce même endroit) de recréer cette oeuvre centrale de Pink Floyd en direct, dans les conditions sonores réelles et originelles de l’album. C’est dire le pari. C’est dire l’immensité de la tâche aussi, retrouver tout ce qui fait cet album qui a marqué l’histoire du rock et la mienne : le son. Les sons. Et ce, avec les outils utilisés à l’époque par le groupe, de l’analogique, du bidouillage et beaucoup de finesse d’écoute.

Non, les doigts de Gilmour qui caressent les cordes en en tirant ce gémissement si tendre n’était pas là. Non plus que la frappe sensuelle et forte de Nick Mason, non plus que la basse sombre et omniprésente et intense de Waters, non plus bien sûr que Richard Wright, plus de ce monde, aux multiples claviers et à la voix si essentiels à l’homogénéité de Pink Floyd. Juste dix musiciens, ingénieurs du son pour certains, et une théorie d’instruments, objets, outils sonores totalement dingues à mes yeux de néophyte.

#LuiCEstCuir, bien moins néophyte, glapissait de joie et était aux environs de l’insupportable : « HIIIIII !!! Une chambre d’échos à bandes de l’époque, une vraie, et un… HIIIIIIIIIIIIIIII !!! UN MINIMOOG !!! ». Moi, stoïque, je cherche ce que j’imagine être un croisement d’Ewok et de chihuahua en petit format se baladant sur scène. « HAN ! Une cabine Leslie !!! » : hein, quoi, c’est quoi cette Leslie dans une cabine de plage ???

Mais Leslie n’était pas celle que je croyais…

Cabine Leslie 2Lesliebox_Animation

Leslie, version scène. Et Leslie, le vrai visage, sans Photoshop. Haha, tu fais moins la maligne là…

Bon, pour tout vous dire, la scène plongée dans le noir avant l’expérience-concert était impressionnante. Et quand les lumières se sont allumées… encore plus !

LA FACE CACHEE DE LA LUNE (Thierry BALASSE 2012)

Toutes les photos de scène sont de Patrick Berger, trouvées ICI et ICI.

L’enregistrement de cet album, Alan Parsons aux manettes et Abbey Road tout autour, avait été de l’ordre du simplissime hein… juste douze mille bandes dans tous les sens. Et des boucles. Pas des bouclettes, des boucles j’ai dit (tu enregistres un « Moufette, Moufette, Moufette ! » et hop, tu coupes la bande tu colles les deux extrémités et tu repasses ça en boucle, pour pouvoir jouer de la viole de gambe électrique dessus. Je tiens un concept, je le sens…).

Parce qu’il y a bien plus que la caisse enregistreuse devenue emblématique avec « Money » de l’album : le battement de coeur, les réveils, les objets qui s’entrechoquent, les pas de course, les sons qui tournent et se déploient, l’orgue Hammond, les rires qui fusent, les mots dans le lointain ou susurrés, les cordes qui se tendent et les distorsions qui se faufilent sur ta peau et se glissent dans tes veines. Dès la première écoute on sait que cet album a moins pour objet la musique ou encore la voix (genre chanson française, je chante-des-mots-en-faisant-de-la-pseudo-poésie-et-sans-voix) que la symphonie sonore. Musique, voix, sons. A mes oreilles, cet album tout autant qu’Atom Heart Mother tient de l’oeuvre d’art.

Invasif, inéluctable, total.

Mini MoogThis is the tout mignon Minimoog…

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Sur scène, ce qui aurait pu n’être qu’un fourre-tout sonore est un régal : la mise en scène très théâtralisée donne à voir, car le but est aussi une pédagogie de la mise en son, chaque geste et chaque conséquence sonore de ce geste. Des écrans nous mettent aux premières loges des synthés et des variateurs de toutes sortes, et chaque musicien prend position, se saisit d’un bouton ou d’un instrument, d’un micro ou d’un récipient plein de pièces, déchire métronomiquement des feuilles de papier ou murmure, fait tinter, crie, claque et tape. La reconstitution millimétrée avec ces outils de l’époque n’est pas interprétation mais re-création des sons qui font le son de The Dark Side of the Moon.

Il ne manquait qu’une seule chose pour moi.

Ce grattement infime du diamant dans un sillon, sur ce disque vinyl trop écouté par ma mère…

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Expérience incroyable. Sourires resplendissants à la sortie.

L’excellente maîtrise musicale de l’ensemble des musiciens ravit, le passage de relais visible sur scène entre les sons et les notes, les bruitages et la musique, le tout qui coule, qui roule, et qui nous emporte dans un tourbillon. Un petit moins certes pour la batterie choisie, au son trop plat, trop pop, et l’envie que l’on sent poindre parfois chez le chanteur d’imprimer sa propre interprétation des modulations vocales.

Mais l’envie irrépressible de se lever, de cesser de battre la mesure avec les doigts, les mains, la tête, le corps tout entier. L’envie de chanter à voix haute, comme tout le reste de la salle qui vibre incroyablement et dont peu ou prou la totalité a acheté l’album le jour de sa sortie en 1973.

L’envie d’être à ce concert qui n’aura plus jamais lieu, l’envie d’être dans ce studio d’enregistrement, l’envie…

« But the sun is eclipsed by the moon. There is no dark side of the moon really. Matter of fact it’s all dark. »

La lumière baisse, le rideau avec.

La seule lumière émane désormais non de la lune ou du soleil, mais du sourire d’un public conquis.

Note : quelques articles à lire ICI et ICI.

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5 commentaires

  1. une expérience unique,quelle chance d'avoir assisté a ça!Et personne n'était sous acide?;)

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    • @Zaneema : je me pose encore des questions !!! #LuiCEstCuir oui, de toute manière, il est toujours sous acides... alors que moi... 😉

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  2. Super billet,
    du coup tu sais si une captation audiovisuelle de la représentation a été faite ?

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
    • @Zept : merci beaucoup !
      Alors justement la question a été posée à Thierry Balasse, resté sur scène après le concert-expérience pour dialoguer avec le public, et il a expliqué que ce projet étant avant tout de recréer en direct l'album, tout ce qui est du domaine du CD ou du DVD aurait été antithétique. Mais on trouve en revanche quelques vidéos sur Youtube (en tapant "la face cachée de la lune thierry balasse" tu trouveras) et sinon, il y a encore des dates de tournée ici : http://inouie94.free.fr/INOUIE/La_Face_Cachee_de_la_lune.html !

      HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)

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