Like a Rolling Stone

Sous la gare ferroviaire de Plovdiv, Bulgarie.

Et maintenant ?

Après le bouillonnement médiatique à défaut de politique des derniers mois, que faire ? Sinon regarder, prendre note et ironiser. Qui était dupe des injonctions à « faire barrage » qui, je prends les paris, se renouvelleront exactement de la même manière dans 4 ans quand à nouveau la nébuleuse lepéniste occupera les ondes chaque matin ? Qui était dupe d’une « société civile » qui serait autre chose qu’un nouvel entre-soi méticuleusement briefé pour « faire peuple » sans l’être aucunement et qui, par l’opération de la Transcendance, serait miraculeusement intègre et au fait des contenus à voter ? Je ne me faisais aucune illusion, mais la réalité (déjà dans l’éducation, sur la sécurité…) se charge toujours malgré tout de m’impressionner. OuiOuiMaisNon est en marche et il porte bien son nom.

A Vratsa.

Et maintenant ?

J’ai rencontré cette année un grand nombre de collègues, de mon académie et d’ailleurs. Quel que soit le contexte, des personnes investies dans leur métier, soucieuses de bien faire. Inquiètes de ne pouvoir envisager la pérennisation des changements demandés, même pas un an d’horizon !, anxieuses de ne pouvoir asseoir l’augmentation du temps de préparation sur la certitude d’avoir une rétribution symbolique dans un métier dont le statut se dégrade notoirement sans qu’aucun mouvement massif de soutien ne voie le jour (« Quel beau métier, mais jamais je ne le ferai hein… et il ne faut pas aimer gagner de l’argent ! ») ou une rétribution financière venant augmenter des salaires largement sous-estimés par rapport à l’expertise, la polyvalence et l’investissement qu’être prof demande. Mais d’essayer quand même, parce que cela pourrait servir les progrès des élèves… Intervenir comme formatrice m’a mise dans la position d’être questionnée, provoquée, remerciée, ignorée par mes pairs (je reparlerai de ce statut délicat qui génère à la fois échanges, crispations, révélations, chantages et questionnements. J’y trouve un complément passionnant à l’enseignement tout en sentant qu’en rien cela ne remplace ce dernier). J’ai entendu des petites phrases aussi, des allusions, des propositions, j’ai vu se confirmer l’infiltration dans l’Ecole notamment des quartiers populaires d’idéologies politiques d’une violence sociale et humaine inouïe. Celles qui n’ont ni barbe ni voile ni œil de verre et dont personne ne se soucie donc. Alors cette année est le constat désolé d’un épuisement physique et moral généralisé : aux vigilants qui s’époumonent encore on réplique que les profs ne font que se plaindre et ne voient jamais que le négatif. Pauvres Cassandre, TINA is in da place depuis longtemps. Ce que l’Ecole comme service public a de plus précieux a déjà été dénaturé et le mouvement s’accélère… I won’t forget to put roses on your grave.

Le temps arrêté, à Roussé.

Et maintenant ?

Il y a l’endométriose qui rampe et se déploie à nouveau, trop tôt et trop fort. Elle s’impose quand elle le décrète, quelques heures parfois, quelques jours d’autres fois. Avec elle le retour de l’incertitude en toutes choses, demain pourrai-je aller travailler, pourrai-je dans un mois aller à ce concert, pourrai-je dans quelques jours tenir la soirée et voir ces amis ? Et de grignoter à nouveau tout investissement que je pourrais faire, insidieusement me faire retomber dans la prudence qui veut que l’on ne prévoie rien pour ne pas annuler, ré-annuler et annuler encore… Dire tout haut, écrire tout haut en 140 caractères les douleurs ou l’épuisement insurmontable du jour m’a été nécessaire tout en ne servant à rien. Cela manifeste mon impuissance, et renvoie mes interlocuteurs à la leur. J’ai reçu compassion, écoute et mots doux, j’ai senti aussi poindre l’agacement (« De l’épuisement ? Ah, quand on veut on peut hein !« ) ou même une indifférence totale car, maladie invisible, rien ne dit que j’ai mal si ce ne sont mes traits plus tirés, ma démarche plus précautionneuse ou mon regard plus soucieux. Mon hyper-activité se charge de compenser, les crises inflammatoires ayant pour corollaire qu’il ne sert à rien de s’économiser car cela ne réduira pas les symptômes de la crise. Alors quand je n’ai pas mal, j’utilise mon énergie et mon corps à 250%, accomplissant tout ce pour quoi je me suis engagée et tout ce que je veux faire pour moi… avant de m’écrouler au moment indéterminé où l’inflammation vaincra. Mais j’ai senti mon périmètre se réduire à nouveau. Mon quartier, ma rue, la chambre, le lit. Mes gestes devenir plus lourds, marcher, porter, rester assise, être allongée trop longtemps. J’ai pris le parti de résister et faire malgré tout, et j’ai constaté l’effet dévastateur du « quand on veut on peut » sur le corps endolori. Non. Je résume ici la thèse de Ruwen Ogien (Mes Mille et Une Nuits : La Maladie comme drame et comme comédie, 2017) : bullshit intégral, culpabilisation méprisante et infantilisante du malade. La souffrance endurée n’a aucune valeur morale et ne donne aucune leçon de vie. La douleur n’a aucun sens.

Tiraillements, Roussé.

Et maintenant ?

J’ai encore trop la propension, pour me faire accepter et ne pas entendre que je prends trop de place (oui !) ou que mon enthousiasme est fatigant (oui, aussi !), à accepter. Que l’on me tienne la jambe plus d’une bonne heure alors que j’ai besoin de rentrer chez moi. D’essuyer plusieurs fois un silence comme réponse à une demande concrète ou à de bons voeux. De compenser quand le travail prévu n’a pas été fait. De subir un épanchement négatif répétitif qui n’épargne pas l’auditoire et, qui plus est, devient prophétie auto-réalisatrice. Mais devoir me concentrer sur mon corps et les moments de bien-être m’a obligée à repenser mon temps, j’ai donc décidé d’investir mon énergie et ma patience uniquement à bon escient.

… Être dès le 8 juillet à 5h du matin dans les transports pour l’aéroport. Sac à dos, découvertes au fin fond d’un pays qui m’avait déjà charmée, retrouvailles. Des livres à foison, de la gourmandise, des photos, de beaux souvenirs. Préparer une autre vadrouille avec #LuiCEstCuir qui trépigne d’impatience, la musique à chaque pas et nos mains qui s’étreignent. Aller voir Tac, faire des plans avec ma sœur Mini-Moufette, partager cafés, soirées et verres avec les amis dans une capitale qui se vide en été pour mon plus grand plaisir. Prévoir sorties et patouilleries pour les vacances à quatre. Finir en beauté sur la Côte qui porte ce nom, avec les sourires réjouis de mes frères Mini-Wombats. Il y aura des pauses à ménager, des crises à laisser passer, des rendez-vous à décaler mais j’aurai les ressources et l’entourage pour tout simplement… accepter.

Peindre la vie en noir est une question de choix.

Et le noir se marie très bien avec les paillettes, les sequins dorés et le vernis rose fluo !

 

 

HIIIIIIIIIIIII !!!(2)Boah...(1)

6 commentaires

    • @Fabienne : Merci beaucoup pour votre commentaire et ces compliments ! J'espère parvenir ces prochains mois à reprendre mon blog en main et publier plus de textes 🙂

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  1. Je suis heureuse d'avoir de tes nouvelles, même si le fond est plutôt sombre. Tu as raison, les paillettes et les sequins n'en ressortent que mieux, qu'ils soient en forme d'amitié, de famille ou d'amoureux !
    Ton enthousiasme est une merveille à ne surtout pas faire taire.
    De mon coin de couette, je t'envoie des calinoursons et te souhaite un bel été.

    HIIIIIIIIIIIII !!!(1)Boah...(0)
    • @Llyn : merci à toi de me lire ! Et dans un coin de couette parce qu'en train de buller comme il se doit, ou parce que malade ? En tout cas, bel été et si c'est blottie sous la couette, avec de bons livres et un peu de chocolat ! 😉

      HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  2. Contente de te relire! Meme si l'humeur est un peu morose...
    La vie il faut la prendre comme elle est.Et oui, il y a toujours moyen d'y ajouter des paillettes! Plus mon fils grandit et plus j'aime sa façon de vivre: à 300%, quand ça va bien!

    HIIIIIIIIIIIII !!!(1)Boah...(0)
    • @Zaneema : ah cela me fait plaisir de te lire ! Et ton fils a tout à fait raison, les enfants savent y faire : profiter autant que possible dès qu'on en a l'énergie (et en faire profiter son entourage 😉 ) !

      HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)

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