La Montagne des Raviolis

Un jour, j’ai enseveli des amies sous une montagne de raviolis chinois.

Cette aventure a eu lieu il y a fort, fort longtemps [beaucoup trop longtemps, soit dit en passant] alors que je passais quelques semaines en Chine avec Angéla et Nane, premier voyage au long cours dans ce pays. Cela nous avait amenées à marcher dans la poussière, le sable et la boue, à observer du taiji quan matinal et des troupeaux de chameaux, à transpirer par 42° et être frigorifiée à 5°, à subir la sécheresse pékinoise et la pluie tibétaine, à saliver sur le poivre du Sichuan et le mouton grillé d’Urumqi.

Ouep, c’était un grand, et beau, et intense voyage.

J’en étais à ma deuxième année de mandarin, et le but avoué était de converser le plus possible en chinois ; le but inavoué de mes compagnes était que mes propos concernent le plus possible la nourriture. Nous avions déjà bien exploré Pékin et Chengde quand nous avons commencé de pénétrer plus avant dans le pays : c’est ainsi qu’après quelques heures de train, nous nous retrouvâmes à Datong.

Datong, c’est une petite ville du Shanxi [3 millions d’habitants, c’est bien ce que je dis : une petite ville], dont le grand centre d’intérêt est constitué des 252 grottes sculptées et peintes de Yungang datant de la fin du Vème siècle. De l’art rupestre bouddhique de toute beauté. C’était notre objectif premier, et le monastère suspendu à la roche et quelques pagodes allaient compléter notre visite avec une guesthouse où tester les douches collectives chinoises.

Mais ce qui a retenu notre attention en descendant du train, c’est le smog à couper le souffle au sens propre : le Shanxi est la grande région du charbon en Chine et, partant, avec ses mines et ses usines, une des plus polluées du pays. En quelques minutes se dépose sur ta peau [rendue moite par la chaleur estivale] une poussière noirâtre qu’on ne peut même pas qualifier de fine, et en respirant tu découvres que l’air est à mastiquer et que tu vas y laisser un peu de ton espérance de vie…

Tu vois comme l’air est… dense ?

Le soir, après une journée de visite intense, nous voici à chercher un restaurant : trouvé, assises, je nous plonge dans le menu uniquement écrit en chinois et traduis à mes compagnes de voyage ce que je parviens à déchiffrer : « Alors, dans ceux-là, il y a des légumes… dans ceux-là du poulet… ça, ce sont des trucs à base de… ouais, c’est la clef de l’eau… ça ne nous dit pas grand-chose si ce n’est qu’ils sont à la vapeur. Ou avec du jus peut-être…« . A notre habitude, nous décidons, pour pouvoir goûter le plus possible de raviolis différents tout en ayant suffisamment dans notre assiette, de choisir plusieurs sortes de raviolis et de les partager. Chaque portion coûte dans les 3 ou 4 euros, un peu plus cher que la moyenne à l’époque mais je ne m’offusque pas : nous sommes habituées aux prix dans les rues et cet endroit est bien apprêté, les serveuses nombreuses, c’est un restaurant correct et cela correspond à peu près aux prix que j’avais payé dans des villes plus chères, à Hong-Kong ou bien quand je vivais à Taïwan.

Et c’est parti pour la commande : « Vous nous mettrez des « guan tang bao », des « xiao long bao », des « jiaozi » de ceci et d’autres de cela, des « shao mai », ceux-là à la ciboule, ceux-ci aux champignon, là aux légumes, des brioches au ragoût de porc, d’autres « baozi » à l’oeuf… » Nous avions du choisir 8 ou 9 sortes différentes. En nous limitant bien sûr !

Bon sang.

Le regard interloqué de la serveuse aurait du me faire réagir.

« STOP ! In the name of love… »

J’ai blêmi quand j’ai vu arriver les serveuses, désormais trois ou quatre.

J’avais oublié de demander la quantité par portion.

Chaque panier vapeur de bambou amené sur notre table mesurait… 40 à 50cm de diamètre, voire plus. Le fond en était intégralement tapissé de raviolis ou de brioches, chaque « portion » commandée était un panier vapeur entier. Pensant qu’une seule contiendrait 4 ou 5 pièces, nous nous retrouvions avec bien plus d’une vingtaine de raviolis de chaque sorte et six à dix brioches.

J’ai rarement autant mangé de raviolis et de brioches. Et jamais d’aussi excellents.

La poussière de charbon était oubliée.

Une de ces brioches tient difficilement dans ta main.

Voilà.

Maintenant imagine…

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2 commentaires

  1. La même mésaventure m'est arrivée à la Bocqueria, le marché des ramblas à Barcelone. Je parle pas espagnol, on était devant un stand de fruits de mer (cuits et cuisinés) avec marsu. Je montre à la vendeuse tous les trucs que je voudrai goûter (crevettes, calamars, moules etc) au lieu de me faire une (grosse) portion avec pleins de trucs différents, on s'est retrouvé avec 5 ou 6 portions énormes avec à chaque fois un truc différent dedans ! 🙂

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)

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