Dans les plis et les replis

Du kimono, j’ai d’abord le souvenir de pieds menus chaussés de zori de bois tapotant rapidement le trottoir. Encore non rompu aux codes de l’Asie, mon regard a été attiré par la tête : l’extrême complexité d’un amas de cheveux savamment peignés, redressés en icho-gaeshi ou en maru-mage ?, épinglés ici d’un kogai, là d’un kanoko dome ou d’un peigne kushi, surmontant la blancheur d’un han-eri blanc émergeant du col empesé, raide et recourbé du kimono. Les manches enfin, étonnamment courtes, tomesode, alors que j’attendais de longues volutes de tissu fluide.

De ces quelques femmes entraperçues dans le centre-ville de Kyoto dans l’étrange fourmillement frénétique qu’est la Golden Week au Japon, il ne me reste que ces détails. Des pieds, des cous, des bras, et la silhouette floue d’un corps empesé de contraintes, des chevilles entravées, une démarche heurtée.

Aujourd’hui, j’aurais regardé bien autre chose. J’aurais prêté attention à la longueur du kimono et à la manière dont il se serait échu au sol, à la manière aussi dont les pans se seraient refermés ou écartés sur l’avant du corps. Je me serais attardée sur l’obi-agé et l’obi-jimé se superposant pour maintenir l’obi, la façon dont il aurait été noué, et me serais étonnée de l’assortiment des couleurs. Car j’aurais enfin surtout pris le temps de dénouer les fils de soie et de métal brodés, cousus, collés à même le tissu pour faire apparaître motifs, paysages, bouquets, animaux. J’aurais admiré les motifs du tissu et sa texture même, vagues et fleurs, entrelacs et paysages. J’aurais relié cela aux saisons, à l’occasion, à l’origine sociale et géographique aussi.

A défaut de mes doigts, j’aurais laissé mon regard se perdre dans les plis et les replis des kimonos. Aujourd’hui, c’est là où je te propose une plongée, à la recherche comme Michaux de l’imaginaire et du souvenir, de l’émotion et du refoulement. Et au milieu de ces sept étroites bandes de tissus, assemblées, repliés, géométrisées, tubulées, architecturées, tu sentiras émerger de l’ancien temps comme de l’époque contemporaine une esthétique japonaise faite de caché-montré, d’austérité-surajout, d’engoncé-gracieux. Le kimono est bijou, et c’est le musée Guimet qui en a été l’écrin.

Viens. Prends ma main. Suis-moi…

Note : l’exposition « Kimono – Au bonheur des dames » a eu lieu au début de l’année 2017 au musée Guimet, exposant les plus belles pièces de la maison Matsukaya fondée au début du XVIIème siècle. Le vêtement a changé de statut, sa réappropriation par les créateurs contemporains a donné un souffle étonnant à ce vêtement qui n’a pas toujours été synonyme d’élite. Et l’exposition se clôt sur les superbes pièces d’Issey Miyake, Kenzo, Jean-Paul Gaultier mais encore Yves Saint-Laurent ou Junko Kushino proposant leur réinterprétation du kimono.

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