Méfiance et Confiance sont dans un bateau

« Agacé par l’indiscipline des Français face à la propagation alarmante du Covid-19, le gouvernement s’apprête à durcir les mesures de restriction sociale« . Voici ce que nous dit Le Parisien hier soir.

On croit rêver.

« Europe », Ismaël de la Serna, vers 1935.

Depuis le début de l’alerte sanitaire qui, rappelons-le, a eu lieu fin janvier [il y a donc un mois et demi] la parole publique n’a eu de cesse d’infantiliser les gens vivant en France : « C’est pas grave« , « Une petite grippe et c’est reparti« , « L’économie doit fonctionner » et bien évidemment « Les Chinois mangeraient n’importe quoi, et les Italiens sont des comédiens« . Le cauchemar bien éveillé de pantins qui paradent, Sibeth Agnès Jean-Michel et les autres, en marche au pas martial, reprenant à l’envi dans les médias durant des semaines que rien ne justifie des mesures drastiques. « Continuez, bonnes gens, continuez de faire comme d’habitude« .

Et soudain… on s’énerve ? On fait les gros yeux du papa pas content et on montre du doigt des irresponsables faisant leur marché au coude à coude, ou batifolant dans les parcs après que le niveau de vigilance a été relevé ? On s’étonne qu’un message qui n’a pas été énoncé CLAIREMENT par les responsables politiques ne soit pas appliqué ?!?

MAIS D’OU SORTENT CES GENS, BON SANG !

Souvenez-vous. Il y a moins de 10 jours OuiOuiMaisNon s’affichait au théâtre pour inciter les gens à sortir. Inciter. Sortir. Pas dans la rue ou dans un parc, dans des théâtres, des cinémas, les uns soufflant sur la nuque des autres. Souvenez-vous. Il y a 2 ans, le même rétorquait vertement aux inquiétudes de deux infirmières de Rouen sur l’état des hôpitaux et sur les suppressions de postes, et Agnès la Condescendante de lever les yeux au ciel avec un sourire de mépris.

Ne vous faites pas avoir par les discours. Ne vous faites pas avoir par les soudains retours en grâces des services publics dans la parole politique. Ne vous faites pas avoir : ces gens n’ont pas changé. N’oubliez jamais où se trouvent les responsabilités dans cette épidémie, dans sa lente et ignoble et méprisante gestion.

La responsabilité est d’abord celle des élus à qui les citoyens ont confié les rênes pour gouverner, prendre des décisions protégeant chacun d’entre nous et le collectif, d’abord et surtout dans l’urgence. Mais leurs postures lénifiantes n’ont cessé de se multiplier. Agnès Buzyn, encore à la tête du ministère de la Santé ? Entre les lignes, « C’est une grippette que diable« . Jean-Michel Blanquer, poids lourd du gouvernement s’il en est ? Un déni tel de l’importance de la crise sanitaire et du vecteur que représentent les élèves qu’il a fallu attendre le dimanche 15 mars après-midi pour qu’il daigne prendre en compte la santé des agents en freinant sur les réunions inopinées du lundi, la tenue des conseils et celle des concours, les recteurs d’académie répercutant l’information à 21h. Trois jours. Trois jours entiers.

Où se situe le scandale, sérieusement ? Ne laissez pas l’image de ces personnes peu précautionneuses arpentant les rues de la soif samedi soir cacher les vraies responsabilités.

Il y a eu des réunions d’urgence dans les services depuis des semaines. Où, parce que l’on aime dans ce gouvernement traiter les Français de cette manière, l’injonction était de maintenir le calme et d’empêcher toute fuite. Masquer et minimiser, prendre les gens pour des idiots ou des enfants. Voire pour des enfants idiots. Et ainsi différer, différer, différer le nécessaire. Le télétravail ? Ce n’est pas une question de santé publique : c’est pour les branleurs et les frileux, vous le savez bien. C’est bien : tous vont découvrir l’essence même de 60% au moins du temps de travail habituel d’un prof : bosser chez soi sur son propre matériel sans assurance spécifique, avec un site qui plante et les enfants qui courent à côté, la lessive à étendre et une planification revue toutes les 10min selon les aléas du moment. Nos soirées, nos week-ends et nos « pléthoriques » vacances. En se faisant traiter de feignasses.

Ce soir encore, le Sauveur apparaîtra. L’Homme providentiel sera de retour ! Et ses sbires qui, depuis des mois et des mois (voire des années), affaiblissent par leur influence et leurs stratégies les services publics, décriés, fainéants, coûteux et inutiles, hôpital et éducation en tête, n’auront plus qu’à la bouche le mot de responsabilité et de solidarité. Le Devoir en tant de crise.

AH SOUDAIN LES FONCTIONNAIRES SONT UTILES ? Maltraités, sous-payés et méprisés, ils devraient pour la solidarité nationale soudain invoquée se lever comme un seul homme et aller faire des réunions de façade [ce qui était prévu dans les établissements scolaires ce lundi…]. Quelques éléments de langage au passage : solidarité des équipes, continuité du service public, responsabilité… C’est marrant, parce que lorsque lesdits fonctionnaires alertent depuis des années sur l’état des services publics et le danger que cela représente pour la cohésion nationale qui s’effondre avec eux, il n’y avait plus personne. « Haro sur les fonctionnaires » était écrit en toutes lettres dans le programme…

La loyauté, dans ce gouvernement et les précédents, pour tout ceux qui s’en font les portevoix, est toujours à sens unique. Souvenez-vous en bien.

La cohésion, le service et la prise de responsabilités, on ne vous a pas attendus pour les mettre en oeuvre, mes poussins. Dès vendredi, j’avais réfléchi avec mes élèves et leur avais donné des instructions. Dès aujourd’hui, j’ai mis en place un système me permettant de travailler avec plusieurs collègues, et avec nos classes. A l’heure où TOUS les sites institutionnels de « continuité pédagogique » sont en train de planter les uns après les autres [alors, les « 7 millions de connexions simultanées« , elles sont où ???], comme toujours nous nous organisons, nous nous auto-formons, nous travaillons en sous-marin sans avoir besoin de votre aide.

Je dirais même qu’en fait, vous nous gênez.

Branquignols.

*****

Hier soir, j’ai ressorti le thermomètre acheté quand je vivais à Taïwan, lors de l’épidémie de SRAS. Il y a quinze ans déjà. Les précautions à l’époque (prise auriculaire de température chaque matin dans les entreprises, autocollant coloré quotidien comme preuve, portiques de températures dans les endroits rassemblant de nombreuses personnes, masques disponibles et porté par tous les malades) était déjà sans commune mesure avec la nonchalance criminelle des décideurs français aujourd’hui. Mon institution en tête.

Depuis la rentrée des vacances, j’ai fréquenté 180 élèves presque chaque jour, au coeur d’un établissement brassant des milliers d’allées et venues. J’ai emprunté 1h30 par jour des transports bondés. Fragilisée par une maladie chronique. Comme tous, cela gratte un peu dans la gorge, je suis un peu fébrile. On guette. Il y a eu des cas parmi les élèves et d’autres évincés. Je n’en ai pas été informée. Pourtant, parce que je suis adulte et non pas une enfant, j’aurais su réagir : non paniquer ou exercer mon droit de retrait, mais prendre des précautions supplémentaires et être attentive. Parce que nous fréquentons des personnes vulnérables ou nous le sommes nous-mêmes. Mais les profs, il faut les infantiliser. Toujours.

Je n’oublierai pas chez ceux qui nous dirigent la rétention d’information, la nonchalance de façade, la lenteur délibéré et calculée afin de minimiser des risques connus comme réels. Et quand le pouvoir nous serine soudain « disponibilité », « solidarité » et « civisme » ? Méfiance. Nous n’avons jamais eu besoin de lui pour les mettre en oeuvre, alors défions de cette parole qui souffle le chaud et le froid.

Restez chez vous.

Et souvenez-vous.

HIIIIIIIIIIIII !!!(2)Boah...(0)

5 commentaires

  1. Si seulement ce "corona" pouvait nous débarrasser des cette maudite engeance...!

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  2. bonjour Chouyo !Encore une fois bravo pour vos articles toujours aussi percutants et le dernier ne fait pas exception
    Je voudrais les passer sur les réseaux sociaux!
    est ce permis? est ce possible? comment faire?

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  3. Les profs gauchistes jamais content alors que la depense publique n a jamais baisse en france, que le budget de l Educ nat n jamais baissé meritent bien de crever du virus..

    Ca nous fera des economies

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(9)
  4. Je n'oublie pas "Agnès la Condescendante de lever les yeux au ciel avec un sourire de mépris", la même Agnès qui s'épanche et pleure, et déclare la main sur le coeur que la tenue des élections municipales étaient une mascarade. Je n'ai pas de vocabulaire assez fort pour exprimer ma rage face à l'indécence d'Agnès Buzyn. Merci pour ce billet lucide.

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)

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