Il y a des mises au point qu’il faut parfois faire sur un blog.
Les situations que j’évoque ici sont réelles et ont toutes eu lieu telles que je les décris. En tout cas à travers mon regard. Les moments de gloire, prof ou voyageuse, et les moments de plantage en beauté. Tel quel, même si le filtre du temps, de la réflexion et de conversations avec des proches a pu charger la scène de perspectives que je n’avais pas vues sur le coup.
Si l’on me soupçonne de ne mettre en scène que les situations positives où je m’en sors avec panache et brio, de ne choisir que les moments me dépeignant en position de force, des moments où je ferais la leçon au monde entier en montrant à-quel-point-je-maîtrise, à-quel-point-il-fallait-réagir-comme-ça, à-quel-point-moi-je-sais-faire… c’est qu’il me faut peut-être dire plus clairement ce qui se trouve entre les lignes. Voire même le publier.
Un blog ne peut être exhaustif, c’est une sélection. Et si j’ai 389 brouillons ce n’est pas pour rien : il y a des choses que je ne peux et ne veux pas encore publier. Non parce que cela révèle mes erreurs ou mes manquements plus que ce que je publie régulièrement mais parce que ce n’est pas encore le moment pour moi. Un blog, c’est le petit bout de la lorgnette d’une vie que l’on rend publique : une écriture du quotidien, dont on extrait une scène qui révèle, résonne, rassure, exorcise. Et, pour ma part, je publie des semaines, des mois voire des années plus tard, avec plusieurs strates de réflexion qui se sont ajoutées. Surtout quand j’ai été secouée, touchée, quand j’ai touché mes propres limites. Je ne publie surtout pas sur le coup, et je tâche de mûrir, m’approprier les choses pour faire en sorte que rien et surtout pas des lecteurs ne me serve d’exutoire.
Pour prendre deux exemples récents, mon billet sur Blanche-Neige et Fiona n’est en quelque sorte qu’un texte d’autoglorification mielleuse sur mon esprit d’à-propos et de prof exceptionnelle… En quelque sorte. Mais n’importe quel prof rappellera qu’on a tous ces fulgurances un peu folles. Et que cette scène décrit 5 minutes de « gloire » professorale sur 176 heures de cours depuis la rentrée. En Inde, mon ton sec et froid est efficace quand l’expérience me fait pressentir que l’on manipule mon cœur pour en faire couler de l’argent. Ce n’est pas à ma gloire, loin de là, non plus qu’une posture : juste une expérience dans un certain contexte et dont je décris le cheminement.
Ce serait un contre-sens de prendre ce blog pour une leçon donnée au monde. Un guide de conduite, sur des sentiers ou dans une salle de classe. Et ce serait un contre-sens de croire que je me prétends exhaustive et impartiale : je conte avec ma subjectivité, et le seul principe qui me tienne à cœur est celui d’être authentique. Henri Beyle à portée de main, ce qui s’écrit ici s’est passé. Je ne livre pas tout d’un coup, et quand j’aurais trouvé comment raconter le reste, comment me l’expliquer à moi-même, et comment le formuler, je le publierai. Oui, j’ai parlé à ma classe de Blanche-Neige et de Fiona, parce que je suis comme ça. Parce que je me soucie moins d’académisme que de ce qui fait sens. Et oui, avoir décortiqué l’Inde m’en a donné une approche sans concession.
Mais ces scènes ne font pas de mon blog un panégyrique à la gloire de Chouyo, la prof ou la vadrouilleuse. Les frustrations, il y en a plus que de moments heureux dans un métier où l’on gère 210 élèves par semaine dans des conditions contraignantes, sans compter les relations avec les autres professeurs, trois administrations et les parents desdits élèves (420 donc…). Il y a aussi ces moments, cruciaux et urgents, où l’on ne comprend rien dans une langue que l’on maîtrise pourtant. Où l’on a oublié le papier important alors que l’on passe une frontière. Ceux où l’on se trompe de train ou de gare parce que soucieuse, agacée, fatiguée. Il y a mille fois plus de plantages que de fulgurances dans une salle de classe ou lors d’un voyage : je n’ai pas oublié de les conter. Je ne les occulte pas. Le blog n’est pas une iconostase entre moi et le lecteur.
Ce sont des moments qui demandent plus de temps pour être digérés, apprivoisés et mis en mots. Ils arrivent, ils seront publiés et diront ce que je ressens comme être vrai. Ils seront authentiques comme tout le reste ici.
L'autosatisfaction vous va très bien!
Un blog est bien fait pour ça: y écrire ce qu'on veut, quand on veut, et être lu par qui en a envie. Tu nous fatigues? On vient moins. Tu nous plais? On ne rate rien. Tes heures de gloire, tes moments de honte, tout ça servi bien écrit et bien illustré, sont des témoignages de ta vie et je les prends comme tels: j'aime bien découvrir la vie des autres. Et quand tu es contente de toi tant mieux, je m'en réjouis.
Le blog n’est pas une iconostase entre moi et le lecteur.
Une mise au point qui s'imposait.