L’Irlande ?… c’est mignon…

[Je sais qu’il y a des fans inconditionnels de l’Irlande : il est donc possible qu’en lisant ce billet, tu aies envie de me jeter des bocks de bière. Je les bois donc, me hâte d’enfiler ma peau de mouton et m’enfuis en bêlant follement dans les collines…]

Irlande Burren Dolmen

Dolmen de Poulnabrone, district de Burren.

Il y a des voyages ratés, souvent drôles au final, et il y a les voyages bof : ceux dont je reviens en étant contente de repartir juste après, et où je suis soulagée de n’être pas restée un jour de plus. C’est le cas pour mon voyage en Irlande.

Premiers pas là-bas, sur un temps que je sais être court et donc sur un espace restreint : à l’origine, Dublin et le Connemara. Quelques heures après l’arrivée, j’ai senti que je pouvais étendre cet itinéraire sans avoir peur de l’indigestion : j’allais donc également me promener dans le Burren et les Midlands.

J’avais tout un imaginaire lié à l’Irlande : les impressions de ma soeur de m’y croiser à chaque coin de rue (les rousses à la peau blanche tachederoussée et aux yeux clairs), les clichés diffusés par des films plus ou moins récents, des chansons et des reportages. Tout un univers fait de paysages battus par les vents et la pluie, de petites rues pauvres aux immeubles bas en briques rouges, de pubs sentant la bière et la chaleur humaine. Et c’était exactement ce que je souhaitais : du temps frais, des étendues dépouillées et un dépaysement en douceur car pas suffisamment remise physiquement pour affronter une « vraie » vadrouille.

Si l’on s’en tient à cette dimension pittoresque (et picturesque) c’est exactement ce qu’offre l’Irlande

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Trop d’ailleurs.

Je m’attendais à être saisie, je fus… euhhh… vaguement intéressée ? Même consternée parfois.

Je vais être directe… Dans les régions visitées, les châteaux sont d’un néogothique récent qui n’a rien d’exceptionnel ou d’original. Les abbayes médiévales sont en très bon état et bien restaurées, avec quelques sculptures intéressantes sans être grandioses pour autant voire même parfois sans vraiment que le déplacement en vaille la peine. Et le reste est poli par l’hyper touristisation en vue de plaire aux visiteurs américains d’ascendance irlandaise. Un exemple ? Le haut lieu du tourisme connemaresque, Kylemore Abbey, est une vaste fumisterie sans aucun intérêt si ce n’est LA photo incontournable.

Les paysages, collines et landes, qui devaient me frapper se sont avérés rongés par le mitage de maisons neuves surgies du boom économiques ponctuant chaque flanc de colline. Les villages sont pomponnés et présentés comme des « lieux culturels », Dublin est architecturalement une pâle copie d’une ville provinciale de Grande-Bretagne, sorte de Cardiff ou de Glasgow qui tenterait malgré tout de se la jouer comme Londres sans que cela marche.

Mais je sais où se situe le problème dans mon appréciation de ce pays… [Teasing…]

Irlande Guinness 2

Irlande Moutons

Je suis donc restée un peu… gênée aux entournures. Surtout quand j’ai compris que pour compenser ce côté mignon mais sans plus, l’accent a été mis sur deux éléments : l’un réellement passionnant, les bibliothèques et collections de Dublin (le Book of Kells original et d’autres livres fondateurs du christianisme irlandais, et je vous sur-recommande la collection islamique et asiatique de Chester Beatty), l’autre puéril. Un folklore fait d’icônes incontournables, présent à chaque coin de rue et surjoué, dont le mouton et le trèfle constituent la base. Cela a l’avantage de bien insister sur l’endroit où l’on se trouve, et de ne pas faire la comparaison nécessairement désavantageuse avec le voisin ennemi héréditaire. Et c’est vrai : comparons ce qui est comparable, l’Irlande a été pendant des siècles un pays pauvre, malmené, colonisé et rendu exsangue à peu près tous les 20 ans. Ce marketing folklorique qui peinturlure chaque rue est mignon, drôle parfois… mais bon…

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Dublin Trinity College Irlande Dublin Trinity College Library

Trinity College, ses pelouses et sa bibliothèque.

Mais…

… je sais aussi que mon credo de vadrouille est simple : je suis la première à être ravie de voir des choses mignonnes et à m’en contenter. En revanche, je suis déçue quand elles me sont présentées auparavant comme exceptionnelles.

Je me suis donc laissée prendre par mes propres représentations de l’Irlande, par ce que l’on m’en a dit et ce que j’en savais, et un voyage bof est toujours l’occasion d’une réflexion nécessaire pour qui voyage : ses attentes, ses erreurs d’appréciation ou de timing, et sur l’ « offre » réelle (paysagère, culturelle, gastronomique, humaine) du pays où l’on se promène.

Et une des conclusions que j’en tire est que j’aurais du aller en Irlande au tout début de ma vie de vadrouilleuse. Pas après m’être promenée dans une cinquantaine de pays, et surtout pas après avoir arpenté en long, en large et en travers la Grande-Bretagne et être tombée amoureuse du charme bucolique, murets et routes ombragées du Herefordshire, des landes écossaises rases et des lacs miroirs, des découpes incroyables des côtes de l’Ecosse, des châteaux et abbayes exceptionnels de certaines vallées (va te balader le long de la Tweed !), des vallons touffus du Pays de Galles et de ses montagnes, de la beauté saisissante des Cornouailles, des falaises feuillues de l’Exmoor et des landes battues par les vents du Dartmoor…

… il était évident que face à des paysages moins saisissants, ou à une sorte de redite en tout cas, l’Irlande me paraîtrait mignonne, sans casser pas trois pattes à un canard. C’est chouette en Erasmus quoi…

Irlande Kylemore Abbey

A kind of déjà-vu… (Kylemore Abbey, district du Connemara.)

Mais je compte déjà retourner en Irlande.

Plus au nord très certainement. Et pour ses bières, la finesse de leurs bulles comme on me l’avait dit, leur douce amertume (de vraies bonnes bières donc), pour ses pubs et sa musique incroyablement omniprésente (même si la qualité est aléatoire, on ne peut de toute manière pas y échapper), pour quelques-uns de ses musées dublinois aussi. Et pour l’Irish stew évidemment qui vient d’entrer au Panthéon des Miams entre le Kidney Pie et le Haggis dont je me goinfre avec délices.

Et pour ce qui m’a réellement conquise, dans cette aire bercée de rapports humains dictés par le luthéranisme et ses avatars : les Irlandais. Outre le fait que leur accent est un pur bonheur à mes oreilles (étant la fille qui s’éclate avec les Ecossais, les Sud-Africains et les Indiens, je dois avoir un chant anglophone très n’importe quoi dans l’oreille), tous les Irlandais rencontrés sont d’une affabilité rare. Sérieusement. On les appelle les Latins du Nord, et j’ai compris pourquoi : détendus, aussi bavards que moi, enthousiastes pour poser des questions et répondre aux miennes sans chercher à vendre ou à inciter à quelque chose, un échange réel. On s’assied les uns à côté des autres, on bavarde au bar en attendant la bière, à bâtons rompus, sans façons. Je parle de sport avec le chauffeur de bus et fermes d’éoliennes avec un autre, je me fais expliquer les tourbières, je devise avec un passant sur l’urbanisme du lieu, on me renseigne avec des rires et des blagues. C’est plus que de se sentir totalement accueillie, c’est presque un sentiment d’être déjà-intégrée déroutant ! Pas de stress, pas de presse en tout cas, l’Irlande est cordiale et détendue, sans faire de manières et ça, c’est une richesse.

Mais malheureusement, malgré tout ce qu’on pourrait essayer de faire croire, la gentillesse des habitants ne fait pas l’intérêt d’un pays. Et inversement d’ailleurs…

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Irlande Abbaye

HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)

14 commentaires

      • Oh là là les intellos qui cherchent un concept dans un pays de whisky et de bière !
        C'est un jeu de saute moutons pour entrainer l'équipe de rugby locale à la troisième mi-temps...

        HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
        • @ Jelaipa : mouahahahahahahah !!! Excellent... et en plus, quand tu vois comment les règles des sports locaux sont super complexes (football gaélique, le hurling https://www.youtube.com/watch?v=TmzivRetelE ou le camogie...), il y a besoin de whisky et de bière et de jouer à des jeux simples comme saute-moutons pour se détendre !!!

          HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  1. Quand j'ai lu le début de ce billet j'ai pensé "elle a trop voyagé et elle est blasée" avec en arrière pensée l'idée qu'il faut commencer petit pour s'émerveiller avec de l'encore mieux...
    Contrairement au vin où il faut boire le meilleur au début parce qu'après plusieurs verres...Enfin tu me comprends! Cela doit être pareil avec la bière, non?

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
    • @ Jelaipa : c'est ce que j'ai immédiatement pensé, "serais-je blasée ?" ! Et ensuite je me suis souvenue que juste quelques semaines avant, je m'étais totalement régalée en Bulgarie et en Italie (que je connais pourtant déjà très bien). En revanche... tu vois l'Islande, bof aussi : donc c'est plus un certain type de pays, aux coûts très chers (l'Irlande est aussi chère que la Grande-Bretagne et réellement moins intéressante) et surtout le tourisme millimétré qui me laisse insatisfaite.
      Et une vraie question de timing aussi : tu vois, j'ai très envie de retourner en Irlande pour un week-end, sortir dans des pubs, aller à des concerts. Et si j'y retourne pour me promener, j'irai explorer le Nord...
      Hahaha, j'aime beaucoup ta comparaison alcoolisée ! 😉 Côté bière, non parce que le titre alcoolique étant moins fort tu peux en boire plus de verre que le vin tout en continuant pourtant d'apprécier la qualité !

      HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  2. Même moi (et mes deux kilomètres au compteur) on est tombés sur des paysages plus émouvants, là-bas. Mais y'avait quand même du ragoût de trèfle au mouton 😉

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
    • @ Nekkonezumi : j'ai l'impression que c'est une question de temps qui a passé... en dix ans et un boom économique, et la baisse des coûts du transport aérien (donc afflux touristique venant des Etats-Unis et d'Europe), le paysage a eu le temps de se transformer. Et en effet, il faudra que j'aille au Nord voir ce qu'il en est !

      HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
    • @ Reinemère : alors là, j'en suis effectivement convaincue, rarement autant été épatée par des gens rencontrés "comme ça" ! Mouahahahah, alors ça... 😉

      HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  3. Je voue un amour pour ce pays découvert il y a plus de 20 ans, ensuite j'y ai été fille au pair (au nord de Dublin) et je dois y retourner cette année avec mon fils. Mais je sais que ça a beaucoup changé et ça me fait un peu peur, ces maisons "style authentiques en pierre" qui poussent partout m'avaient horripilée lors d'un voyage plus récent et j'avais détesté le Connemara. Mais le nord, le Donegal, j'avais adoré, les gens, l'accent, les paysages, tout y était encore à l'époque plus vrai.... Bref, j'ai quand même peur d'être déçue en y retournant (surtout qu'on ne fera que Dublin).

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
    • @ DelphineBooks : le fait d'y retourner en connaissant déjà devrait atténuer la déception rien que parce que tu retrouveras des repères, des souvenirs ! Après, oui, y allant une première fois, il y a une folklorisation des régions touristiques qui m'a vraiment étonnée... c'est pour cette raison que j'y retournerais bien, dans les régions moins fréquentées !!! Tu nous diras comment s'est passé ce "retour au pays" 🙂

      HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
  4. Environ 20 ans que je ne suis pas retournée en Irlande! Alors des zones touristiques??? Pour moi l'Irlande c'est effectivement les rencontres aux pubs biensûr avec violon accordéon et flûte... si personne n'est au villages, qu'il pleut, il faut aller au pub tout le monde s'y retrouve. Et puis les petits ports de pêche du Donegal, et Sligo (c'est comme ça que j'ai commencé à découvrir un certain ailleurs, un dépaysement) Benbulben et Yeats biensûr. Bref j'y retournerai même que pour quelques jours. Je dois effectivement avouer que le sud m'avait déjà paru touristique et manquant d'intérêt pour ce qu j'y avais vu.

    HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)
    • @ Gecko : c'est exactement cette Irlande-là que j'attendais et que je n'ai pas vue cette fois-là. D'où mon sentiment d'être un peu interloquée... en revanche, effectivement, je ne suis allée que dans le Centre et le Sud, qui sont devenus encore plus touristiques qu'ils ne l'étaient, et en plein été en plus ! J'avoue en revanche que j'ai réellement envie d'y retourner, dans le Nord notamment.
      Etrangement d'ailleurs, si j'ai été refroidie par le tourisme, j'ai été conquise par l'ambiance générale et l'attitude des Irlandais, et je me suis dit que c'est un pays où je vois très bien vivre ! 🙂

      HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.